Je suis partie, avec le goût bizarre des regrets et de l'amertume au fond de la gorge. J'ai commencé à marcher sur le trottoir, et, tout à coup, j'ai réalisé à quel point la rue était sombre. Tout à coup, la solitude est revenue serrer ma gorge. Une sorte de brouillard noir est venu engloutir mon esprit ; comme des parasites dans ma tête, qui crépitaient, embrumaient mon regard.  Le froid entrait dans mon crâne ; un gigantesque courant d'air silencieux et meurtrier. Je slalomais entre les points lumineux des voitures, des lampadaires, plus rien ne semblait réel, les étincelles me faisaient perdre toute notion du temps. J'étais en retard. Juste des lumières, des silhouettes un peu floues, et au-delà du brouillard, les certitudes. Non. Non, pas ça, me disais-je, quand, au détour d'une rue, je les ai senties arriver. Dans mon dos, les ombres apparaissaient, glissaient entre mes os. Alors, j'ai couru. J'ai couru dans les rues sombres, j'ai couru vers les lumières orangées, j'ai couru pour échapper à mes fantômes lumineux. J'ai fait ce que j'ai pu, en vain. Je suis arrivée à destination, sous la lumière orange. Je suis arrivée, égarée, presque aux abois. J'avais des stalagtites au bout des cils.

J'étais à l'heure. Mais les fantômes ... les fantômes se moquent du temps qui passe.


"Je feindrai ma mort pour que tu me prennes dans ton exode
Je me suis perdue au printemps de la vie
Tant pis, je t'en remercie de tout coeur
La faim au ventre, je t'étouffe de mes bras
Te prouve mon ardeur
Tu manques à mes tissus sans chaleur."